« Ce que maintenant Je te révèle, Ô toi sans péché, est la part la plus secrète des Ecritures védiques. Qui en saisit la teneur connaîtra la Sagesse, Ô descendant de Baratha, et ses efforts le mèneront à la Perfection ».
Parole du Seigneur Krishna, Bhagavad-Gita, chapitre 15, verset 20
Etude de quelques concepts-clefs de la Voie de la BHAKTI (Dévotion), à travers le commentaire d’un extrait de l’ouvrage de Chandidasa (Candî-Dâs), « Les Amours de RADHA et de KRISHNA ».
Préalablement à toute exégèse du texte de Chandidasa, nous tenons à préciser les points suivants :
Dans le commentaire qui va suivre du texte de Chandidasa relatant les Divertissements de Sri Krishna, de Srimati Radhârânî
et des gopîs, nous avons opté pour les conventions de langage suivantes :
Krishna sera nommé « Sri Krishna » (le Seigneur Krishna) ; Radhâ, pourra aussi être nommée « Srimati Radhârânî ». Sri et Srimati sont des titres honorifiques, (comme un chrétien parlera du « Seigneur » Jésus-Christ et de la « Très Sainte » Vierge Marie, ou qu’un musulman fera systématiquement suivre toute mention du nom du Prophète Muhammad de l’expression « sallallahu alayhi wa salam » ‒ qu’Allah vante ses mérites devant les anges et le préserve de tout mal ‒, ou bien encore toute mention du Nom de Dieu, de l’expression « subhanahu wa’ta’ Ala » ‒ Dieu, Exalté Soit-Il ‒). Les mots « gopîs », « bergères » ou bien encore « laitières », « pastourelles », seront des synonymes. Enfin, les noms propres « Brindabon » et « Vrindavana » (prononcer Vrinnedavanne) sont identiques. Il s’agit du nom de la ville sacrée indienne où Sri Krishna avait « élu domicile » sur la Terre, retranscrit en phonétique latine. Enfin, lorsque nous écrivons « Son », « Sa », « Ses » avec un S majuscule et « Lui » ou « Elle » avec un L et un E majuscule, cela signifie que nous parlons de Sri Krishna, c’est à dire du Seigneur Suprême dans la Voie vaisnava. De même, lorsque nous voulons mettre en valeur un mot, notamment lorsque nous lui donnons une connotation spirituelle, nous le rehaussons d’une majuscule (exemple : Amour au lieu d’amour ; Sagesse au lieu de sagesse, etc…).
Précisions biographiques :
Toutes nos citations placées entre guillemets sont extraites (sauf indications contraires) de l’ouvrage intitulé « L’Enseignement de Sri Caitanya », écrit par Sa Divine Grâce A.C. Bhaktivedanta Swami Prabhupada, éditions the Bhaktivedanta Book Trust International, Inc, 1968.
Nous avons commenté le chapitre intitulé « Raslila » de l’ouvrage de Chandidasa (Candî-dâs) intitulé « Les amours de Radha et de Krichna » (bibliothèque cosmopolite, traduction française à partir du bengali, Stock, 1989). Chandidasa est venu au monde dans le village de Chatna, au Bengale. La date de sa naissance est inconnue, mais on sait qu’en 1403, il avait déjà composé plus de mille chants1. Chandidasa appartenait à la caste des brahmines ; c’était donc un prêtre. Il rencontra une femme de basse caste qui portait le nom de Rami. Il l’aima, et pour cela, il fut expulsé de sa caste ; mais il s’attira par son comportement anti-social la sympathie de l’Inde tout entière.Il mourut en chantant un poème, et cette mort est celle dont rêve tout barde…Dans l’Histoire du monde, Chandidasa a précédé chronologiquement Sri Caïtanya Mahaprabhu. Mais la comparaison entre eux s’arrêtera là, car lorsque Sri Caitanya est un avatara de Sri Krishna Lui-Même, Chandidasa demeure « seulement » un grand dévot, et simplement un dévot. Il n’est pas relié à la Parampara (la chaîne ininterrompue dans la succession de Maître à Disciple). Chandidasa est un grand poète vaïsnave original qui a été gratifié d’extases personnelles. Toutefois, ses enseignements ne figurent pas dans le Canon vaïsnave. Au final, Chandidasa est plus un Sadhu (un homme de bien ; un Saint homme), qu’un Guru (Un Maître, un Guide spirituel). La Raslila est la « danse sacrée » à laquelle Sri Krishna Se livre avec les gopîs de Vrindavana. Tout notre commentaire consistera à proposer une exégèse de cette Raslila, terme auquel nous préférons d’ailleurs l’expression plus mystique de « Divertissements de Sri Krishna ».
Introduction :
Les amours de Krishna et des gopîs, les bergères de Vrindavana, sont de nature exclusivement spirituelle. Il est toujours périlleux de présenter ce texte au grand public, particulièrement en Occident où prédomine le matérialisme le plus déchaîné. Même en Inde, alors que les amours divins de Radha-Krishna font l’objet de la méditation des purs ascètes et des moines sannyasi2, certaines sectes déviantes prônent une imitation perverse de la Rasalilla. Ce texte décrit par des mots d’une très grande sensualité, l’échange d’Amour que partagent Sri Krishna et les gopîs (les bergères). Nous ne devons surtout pas chercher à étudier les Divertissements de Radha et de Krishna selon une perspective humaine, sous peine de les rabaisser de manière blasphématoire à l’échelle matérielle. La pulsion sexuelle étant extrêmement forte dans le monde de la matière, si nous ne parvenons pas à nous en détacher totalement lors de la lecture des Divertissements du Seigneur Krishna avec les gopîs àVrindavana, il conviendra alors de la sublimer, en l’élevant au rang de sensualité transcendantale.
Les gopîs sont en réalité la réincarnation de grands Sages versés dans la Science des Védas, Fils des dévas du Feu, qui jadis s’étant unis à Sri Krishna au niveau Suprême du Sentiment amoureux, obtinrent la promesse de la bouche même de Sri Ramacandra (avatara de Sri Krishna) qu’ils jouiraient dans leur vie future, sous les formes qu’Il Plairait à Sri Krishna de leur offrir, de la Présence du Seigneur Suprême. Sri Krishna les agréa donc comme Ses épouses, Lui, le Seigneur Suprême, Créateur et Régulateur de toutes choses.
Les doctrines védiques, que les occidentaux qualifieront d’« hindouistes » par facilité de langage, sont parvenues en Occident sous leurs formes populaires, laissant faussement penser que la religiosité hindoue serait polythéiste et s’appuierait sur un panthéon de centaines de milliers de divinités adorées par leurs adeptes en fonction de leurs sensibilités et de ce qu’ils attendent du Plan Suprême. Par ailleurs la doctrine dite de la « Trimurti » selon laquelle Brahma crée le monde, Vishnu le maintient et Shiva le détruit (avant que le monde ne soit à nouveau reconstitué par Brahma à partir d’un atome du précédent), correspond superficiellement assez bien à la tripartition chrétienne « Père-Fils-Saint Esprit ». En réalité, l’Hindouisme peut dans certaines de ses déclinaisons devenir un Monothéisme authentique. C’est le cas de l’Ecole vaïsnava (connue en Occident sous l’appellation de « krishnaïsme »), qui professe d’évidence un Monothéisme Pur, Essence des Védas. Cette école, celle de la Voie du « Hare Krishna », va se faire connaître en dehors de l’Inde dès 1965, date à partir de laquelle le Prédicateur ‒ et par ailleurs traducteur des grands textes fondateurs de l’hindouisme ‒, A.C Bakhtivedanta Swâmi Prabupadha (1896-1977), va répandre en Occident, mais aussi revivifier sur le sol même de l’Inde, la Conscience de Sri Krishna. Ce grand « Acarya » (instructeur), qui est célèbre pour avoir dit : « Je suis venu pour vous rappeler ce que vous avez oublié : Dieu », va s’appuyer sur la Baghavad Gita (une partie du Mahâbhârâtâ, un texte fondateur ayant imprégné toute la vie profane et spirituelle de l’Inde), pour enseigner que Sri Krishna EST Sri Baghavan, le Dieu Suprême. Tout ce qui est sur terre et dans les Cieux lui est soumis, et Son autorité s’exerce au dessus de celle de Brahma, Vishnu et Shiva. Il découle de ce postulat de départ que tous les fondements théologiques et philosophiques de l’Hindouisme proviennent d’une Source Unique, qui est Sri Krishna, le Seigneur des Univers. Il est écrit dans la Baghavad Gîta : « Je Me tiens dans le coeur de chaque être, et de Moi viennent le souvenir, le savoir et l’oubli. Le but de tous les Védas est de Me connaître ; en vérité, c’est Moi qui ai composé le Védanta, et Je suis Celui qui connaît les Védas » (Chapitre 15, verset 15) ; mais aussi : « Puisque Ajoutons que dans les cercles vaisnavas3, l’étude des Divertissements de Sri Krishna avec les gopîs, est réservée aux dévots très avancés sur le Sentier de la Connaissance. Evidemment, les gopîs sont bien autre chose que de simples bergères qui dansent avec un beau jeune homme.